Ouvrages
ayant servis à la création de cette Biographie :
« Pasquale de’Paoli » de Goerges Oberti
« Pascal Paoli », Antoine Marie Graziani,
Tallandier (2004).
« Un compte rendu de la Corse et Mémoires de Pascal
Paoli », James Boswell
Pasquale Paoli est né au hameau de la Stretta –
commune de Morosaglia, le 5 avril 1725 de Giancintu Paoli
et de Denise Valentini.
Sa date
de naissance est confirmée par Paoli lui-même dans une de
ses lettres datée du 20 avril 1805 où il écrit « bien
que je sois entré, le 5 de ce mois, dans ma
78e
année,
je forme encore des projets ». Il fut baptisé le 7
avril et reçut les prénoms de Philippe, Antoine, Pascal.
Son enfance se passe au milieu des révoltes. Il a 4 ans et
demi lorsque le premier soulèvement éclate dans le Boziu
« la révolte des deux seini ». Il entendit parler
de la fuite des soldats génois, de la réunion d’une
Consulte Nationale à San Pancraziu, de la nomination comme
chefs de la nation d’Andréa Colonna-Ceccaldi, de
Luigi Giaffieri et de l’abbé Raffaelli.
Son
père, Giacinto Paoli qui fut l’un des trois grands
meneurs de la révolte contre Gêne est contraint à
l’exil. Il s’embarque pour Naples le 7 juillet
1739 avec son fils Pascal alors âgé de 14 ans. Son frère
aîné, Clemente, reste dans le Rostino dans le but d’y
gérer le patrimoine familial.
Sa
formation professionnelle
À
16 ans, Pasquale s’engage au sein de l’armée
napolitaine au grade de cadet, il est intégré au régiment
de son père. Durant un an, entre 1742 et 1743, il servira à
Gaete avant de retourner a Naples. Il rentre alors au sein
de l’Académie militaire royale d’artillerie. Un
an avant son retour en Corse, il sert au sein du Royal
Farnese à Syracuse et à l’île d’Elbe.
Sa
carrière militaire à Naples sera brève, car Paoli appelé en
1755 par son frère Clemente dans le but de conduire la
révolution corse, décide de démissionner.
Sa formation intellectuelle :
Le XVIIIe siècle est le siècle des lumières. C’est en
1748 que Montesquieu expose sa théorie sur la séparation
des pouvoirs dont l’objectif et de prévenir
l’arbitraire de la part du « Prince ». Les
idées nouvelles abondent et le jeune Paoli alors étudiant à
Naples les intègrera.
En
premier lieu, Pascal Paoli reçoit l’influence du
philosophe Genovesi (1713-1769).
Le roi Charles VII désireux de réveiller l’université
de Naples avait fait appel à des maîtres réputés dont parmi
eux Antonio Genovesi. Ce dernier bénéficiait d’un
prestige au sein de l’Europe entière. Homme lettré,
il avait certainement lu la Cyclopedia de Chamber parue à
Londres selon Georges Oberti. Entre autres il fut
l’auteur en 1752 d’une Histoire du commerce de
la Grande Bretagne. Genovesi est professeur d’éthique
à l’université de Naples.
Il reste à déterminer qu’elle a été la réelle
influence de Genovesi sur Pasquale Paoli ?
L’historien Corse Fernand Ettori a publié un article
à ce sujet en 1974. Pour l’auteur, l’influence
est difficile a mesurer.Il rejette aussi deux thèses
qu’il juge abrupte. La première serait que Paoli ne
lui doit rien, la seconde est qu’il lui doit tout.
Selon les thermes mêmes du professeur Ettori,,
l’affirmation de sources reste imprudente et il
convient mieux alors, de rechercher des traces d’une
influence générale.
Ainsi, M.Ettori est frappé par l’ouverture
d’esprit de Pasquale Paoli. Il retient en exemple son
attitude face à la religion. Arrivé à l’âge adulte il
abandonne nombres de pratiques qu’il juge étroite et
s’intéresse aux hérétiques au travers du livre
l’Apologie pour les Quakers, de Robert Barclay.
Un
« disciple » de Machiavel ?
Toujours
au sein de cette article, Fernand Ettori s’interroge
sur l’influence de la pensée de Machiavel sur
Pasquale Paoli.
Les adversaires les plus farouches de Paoli ont longtemps
défendu la thèse que le futur Général a entièrement bâti sa
philosophie de gouvernement sur les préceptes du secrétaire
Florentin.
Tout
cela reste à relativiser. Au moyen de sa correspondance,
nous savons que Paoli fut un lecteur et disciple de
Machiavel. Mais l’influence de l’auteur
s’est exercée à différents niveaux.
Au moment de la prise de pouvoir en 1755, il est certain
que Paoli s’est servi des principes Machiavélien dans
le but d’affaiblir les résistances locales et y créer
des partis Paolistes. En effet à ces débuts, le
gouvernement du jeune Royaume de Corse ne fait pas
l’unanimité et il convient de parvenir à
l’unité de la jeune Nation.
« Faire d’une colonie en révolte un Etat
souverain reconnnu par les puissances, forger à
l’intérieur les ressorts du pouvoir, déjouer les
convoitises à l’extérieur, et cela au milieu des
factions et des guerres, c’était bien là
l’occasion pour un principe nuovo de démontrer sa
virtu. »
Fernand Ettorri en vient à cette conclusion :
« Quel meilleur maître que Machiavel qui adresse
précisément ses conseils, à un souverain au pouvoir récent
et mal assis, à ce principe nuovo qu’était Paoli lui
même ?
PREMIERE
PARTIE : « Toute l’Europe est Corse »,
(Voltaire)
A
cette date, les chefs corses en lutte contre la République
de Gêne, réfléchissent à la nomination d’un Capu
Generale di a Nazione (Général en chêf de la Nation)
susceptible d’assumer le défi impossible que
représente la fin de la colonisation génoise.
D’abord pressentit, le frère de Pasquale Paoli, se
désiste estimant que son frère possède de meilleures
compétences que les siennes pour assumer la fonction.
A l’age de 30 ans, Pasquale Paoli quitte Naples et le
régiment du Royal Farnese afin de relever le défi. Sa
nomination reste à être acquise par la Cunsulta generale
qui doit se tenir au couvent de San’Antone della
Casabianca.
La
cunsulta de San’Antone della Casabianca, les 13-14
juillet 1755
Paoli se présente contre Emmanuel Matra. Si le premier est
élu contre le second, cette défaite nourrira la
rancœur de Matra qui ne cessera de vouloir la fin de
Paoli, plongeant la Corse dans une véritable guerre civile
entre Paolistes et Matristes.
La Constitution de Pasquale Paoli
« Notre
administration se doit d’être aussi claire que du
cristal, chaque zone d’ombre favorisant
l’arbitraire ainsi que la méfiance du Peuple ».
Le jeune
général, ayant été aux contacts des idées nouvelles du
18ème
siècle,
fin lecteur de Montesquieu désire de forger pour le jeune
Etat, une Constitution.
Loin
d’être un simple texte distribuant le pouvoir, la
Constitution de Paoli est la première Constitution moderne
établissant la souveraineté du Peuple et une séparation des
pouvoirs. En effet, le législatif et l’exécutif
seront distincts, seule la justice demeure dans les mains
du Général. Aussi l'assemblée représentant le peuple est
élue et directement sur une base de suffrage très large.
« La
Diete générale, représentant le Peuple Corse, seul maître
de lui même, convoquée par les formes légales par le
général dans la ville de Corté, les 16, 17, 18
Novembre : voulant, après avoir reconquis sa liberté,
donner une forme durable et constante à son gouvernement en
le constituant de telle façon qu’il en dérive le
bonheur de la Nation … »
Le
préambule du texte affirme la souveraineté du Peuple alors
que l’Europe est gouvernée par des monarchies
absolues de droit divin. Les mots « seul maître de lui
même » symbolisent l’aspect précurseur du texte.
C’est sur ce point précis que se trouve le génie de
Paoli qui écrit la première constitution démocratique
moderne qui sera citée en exemple par les
« Insurgent » américains. Les fils de la Liberté
de Philadelphie donneront à leur taverne le nom de "Paoli
tavern", ensuite sera créée Paoli City en Pensylvannie.
« Il est encore en Europe un pays capable de
législation, c’est l’île de Corse. La valeur et
la constance avec laquelle ce brave Peuple a su recouvrer
et défendre sa liberté mériteraient bien que quelques
hommes sages lui appris à la conserver. J’ai quelque
pressentiment qu’un jour, cette petite île étonnera
l’Europe . »
JJ Rousseau, Le Contrat Social, Livre II, Ch X, 1762.
La Corse est un royaume non une république car la vierge
Marie en est la reine et la protectrice.
*L’exécutif est composé d’un Conseil
d’Etat dirigé par le Général en chef de la Nation,
qui exerce le pouvoir gouvernemental. Il dispose de
l’armée ainsi que de la justice. Ainsi, il ne faut
pas juger la Constitution sur nos standards actuels, ce qui
nous ferait dire que Paoli était un despote éclairé, mais
sur les standards de l’époque.
Ce Conseil d'Etat est composé de 144 membres dont 36
Présidents et 108 Conseillers. Ces magistrats sont élus et
se répartissent en trois chambres, finances, guerres et
justice.
*L'assemblée représentant le Peuple est la Diète, élue
directement par le peuple.
Toute personne âgée de 26 ans peut voter à l’élection
de la Diet générale, assemblée représentant le peuple. Les
femmes aussi ont le droit de vote selon des cas
particuliers.
Sa compétence concerne les lois, les impôts et les affaires
politiques.
Tout fonctionnaire, y compris le Général (Paoli) est
responsable devant l'assemblée.
La Diète est convoquée une fois par an. Le Général présente
le bilan de son gouvernement et un panel de magistrat est
chargé d'évaluer l'action publique.
* Le reste du texte codifie des dispositions pénales.
Les
principales mesures :
Si la Constitution représente le coup de génie de Paoli,
elle n’est pas le seul accomplissement du Général,
car tout, à ce moment-là est à faire, d’une colonie
il s’agit de faire une Nation.
Une volonté de rétablir la justice :
Si la
gestion des terres est de nature publique (Terra di
Cummune), la justice est quant à elle privée, codifiée par
une séries de coutumes. C’est que l’on appelle
la vendetta. Ce phénomène est de plus gravement favorisé
par le fait que Gêne ayant autorisé le port d’arme
afin de permettre à la population de se défendre. Le nombre
de meurtre est de 900 chaque années, mais il convient de
prendre ce chiffre avec des pincettes car Gênes avait
intérêt à le gonfler afin de justifier sa présence en tant
que force de maintient de l’ordre.
La Vendetta est un poison que Paoli souhaite éradiquer, car
l’Etat Corse en construction ne peut se permettre se
voir fragilisée par ces luttes meurtrières, et surtout sans
fins car il y a toujours quelqu’un à venger.
La justice de Paoli sera très sévère, toute personne
s’étant livrée à la vendetta sera condamnée à mort.
Cette politique fortement répressive portera ces fruits.
Nous laissons ici de côté toute forme de jugement morale
toujours facile à proférer en dehors d’un contexte.
Il refusera d’ailleurs de gracier le fils d’une
personne influente, afin de garantir la crédibilité de sa
politique.
Dans le même temps, il souhaite éviter l’arbitraire
des tribunaux, ce qui est très moderne pour l’époque.
C’est le principe de légalité des peines.
Veut-on qu’il n’y est point d’arbitraire
dans les jugements des tribunaux ? Que la loi soit
claire et le crime nettement défini. La réaction contre
l’arbitraire est une seconde nature chez les corses.
(Circulaire aux magistrats provinciaux).
La
reconnaissance de la Nation :
-Peintures des chefs morts dans la salle du conseil à Corté
-Exonération fiscale pour dix ans des héritiers des soldats
morts pour la Patrie
-Nouvelle version de la « Bandera » avec le
bandeau de la tête maure relevée sur le front.
La
marine de guerre :
La volonté de Pasquale Paoli de construire une marine,
répond a plusieurs objectifs dont les principaux sont de
perturber le commerce la République de Gênes, ainsi que
d’obtenir une forme de reconnaissance internationale
par la reconnaissance du Pavillon.
C’est la Consulte du 10 mai 1760 qui décida de porter
la lutte en mer. La Corse connaît d’importantes
ressources en bois, mais l’entreprise est difficile.
En 1761, la flotte compte quatre bâtiments, nombre qui sera
étendu à sept par la suite. Ce sont des bâtiments légers,
commandés par des marins de qualités. Même ne faisant pas
le poids face aux navires Gênois, la flotte remplie sont
objectif de perturbation du commerce de la Sérénissime
République.
Enfin,
malgré la faiblesse des moyens, la prise de l’île de
Capraia donnera un avantage stratégique aux corses.
Mesures
financières et économiques :
-14 mai
1761 ; 24 et 25 novembre 1762 : création
d’une monnaie.
Celle ci est frappée à La Zecca, l’Hotel Corse des
monnaies à Murato et sera ensuite transféré à Corté.
-14 mai 1761 : Création du papier timbré
-Consulte de mai 1764 sur la surveillance du commerce dans
ses prix et la qualité des marchandises
-Les poids et les mesures sont uniformisés en mai 1764
La
fondation de l’Ile Rousse :
Calvi la
gênoise devait être contrebalancé par un port maîtrisé par
le gouvernement de Paoli. La ville de L’île Rousse
rempliera ce rôle est sera créé par Paoli en 1763. Ville
modeste, son importance stratégique est considérable pour
le commerce.
L’université :
« Sapere Aude » ou « Ose le Savoir »
tel était la devise des Lumières convaincus que la liberté
de l’individu se forgeait par la connaissance. Paoli,
homme des lumières, s’inscrit dans cette philosophie
et crée une Université à Corté afin que cette dernière
forma des cadres pour la Nation.
Son principe est acquis en mai 1764, en novembre 1764, le
programme des études est publié.
Fermée en 1769, puis rouverte en 1981, l’Université
porte aujourd’hui le nom de Pasquale Paoli
(www.univ-corse.fr),
atteint l’âge de la maturité, et compte environ 4000
étudiants.
Pascal Paoli et Jean-Jacques Rousseau
La
participation du Peuple au affaires publics de l’Etat
qu’organise la « Constitution » de Paoli
étonne et impressionne JJ Rousseau qui voit dans cette
entreprise inédite un exemple.
Par l’intermédiaire de Buttafuocco, Rousseau écrivit
un projet de Constitution pour la Corse. Mais Paoli écarta
l’idée. Il avait mis en place des institutions qui
fonctionnaient depuis près de 10 ans et il avait peur
qu’un non-corse ne saisisse qu’insuffisamment
les subtilités de la culture insulaire.
En revanche, la renommée de Rousseau, associée à son
intérêt pour la Corse, pouvait servir utilement la cause du
Général.
Enfin, c’est JJ Rousseau qui conseilla au jeune
Ecossais James Boswell d’effectuer un voyage en Corse
et y rencontrer ce chef des Corses encore mal connu.
« Un compte rendu de la Corse, et Mémoires de Pascal
Paoli », James Boswell.
« Je
crus trouver en Corse, écrit-il, ce que personne
n’allait voir, et ce que je ne trouverais en aucun
autre endroit au monde ; un peuple combattant
actuellement pour sa liberté, et s’élevant par ses
propres forces d’un état de bassesse et
d’oppression à celui du bien-être et de
l’indépendance ».
James
Boswell est écossais. Issu de la noblesse de robe, son
désir est cependant de devenir écrivain.
Il était
de coutume à l’époque que les jeunes hommes
s’en allèrent en voyage sur le continent afin de
parfaire leur formation. Sur les conseils de JJ Rousseau,
il décide de se rendre en Corse. Porteur d’une lettre
de recommandation de ce dernier, il débarque à Centuri (Cap
Corse) le 12 Octobre 1765. Il est alors agé de 25 ans.
Il rencontre Paoli le 22 Octobre à Sollacaro. De cette
rencontre va naître une solide amitié entre les deux
hommes. Mais le premier contact est plutôt froid. Paoli se
sait menacé, il est donc méfiant. Mais après s’être
rendu compte de la qualité du jeune homme, il le reçoit
avec tous les égards. Boswell dînera toujours aux côtés de
Paoli, et sera accompagné d’une garde d’honneur
à chacune de ses sorties.
Ses conversations avec Paoli l’impressionnent. Il est
surpris par l’étendu de ses connaissances et son
érudition classique. Ce sont aussi les qualités morales de
Général qui l’impressionnent.
« Je voyais en Paoli mes idées les plus grandes se
réaliser, écrit-il ; il m’était impossible,
quelles que fussent mes spéculations, d’avoir en le
voyant une idée médiocre de la nature humaine ».
Dans son enthousiasme, Boswell qualifie la Constitution du
Royaume « meilleur modèle qui ait jamais existé dans
la forme démocratique ».
Ainsi que l’analyse Dorothy Carrington, Paoli
poursuit à ce moment-là, deux buts. Le premier est de
populariser sa cause en Angleterre et peut être incité le
Roi à lui apporter son aide. Le second est de faire croire
aux Corses que cette aide est déjà acquise et ainsi les
galvaniser plus encore.
Dès son retour Boswell se lance dans une campagne énergique
de promotion de la cause Corse. Il voulut user de
l’influence de William Pitt afin que
l’Angleterre se déclarât en guerre contre la France
afin de sauver la Corse.
N’y parvenant point, il ouvrit cependant une
souscription qui permis l’envoie de cannons au moment
de l’invasion de l’intérieur de l’île par
la France.
Lorsque son livre paru juste avant le début des hostilités,
ce fut un vrai succès de librairie qui passionna les
lecteurs de l’époque. Le mythe de Paoli était forgé.
Devant cet enthousiasme populaire, les politiciens ne
restères pas indifférents, et il en fallut de peu pour que
l’Angleterre n’intervienne afin de sauver la
cause des Corses.
« Irresponsables comme nous le sommes, prononça le
ministre Lord Holland, nous ne pouvons êtres aussi
irresponsables que d’entrer en guerre parce que
Monsieur Boswell est allé en Corse ».
Le livre connu aussi un succès international, notamment
dans les colonies américaines ou l’expérience de
Paoli était suivit avec le plus grand intérêt.
La République de Gêne aux abois
La Sérénissime République tient de plus en plus
difficilement sa position en Corse. La présence de Gêne est
alors surtout effective sur les côtes à des endroits
stratégiques tels que Calvi et Bastia.
De son coté, le Royaume de France a connu une série de
déconvenue dans ses colonies. La Corse représente une
position stratégique en méditerranée, notamment dans la
lutte d’influence contre le Royaume-Uni installé à
Gibraltar. De plus les ressources en bois de l’île
sont importantes, et ceci est vital pour la construction de
navires.
La France, venue en renfort à partir de 1764
s’installe vers Bastia, et demeure neutre. Elle
établit des relations diplomatiques avec le gouvernement de
Paoli. Chacun se jauge. Paoli et Choiseul entretiennent une
correspondance cordiale. Se voulant rassurant, Choiseul
affirme plusieurs fois que le France n’a pas
d’intention belliqueuse envers le Royaume de Corse.
Mais en 1768, par le Traité de Versailles, la Corse est
donnée en gage à la France par Gêne. Elle ne fut pas vendue
contrairement à l’idée généralement répandue. Si Gêne
rembourse sa dette, elle récupère la Corse, si elle ne paie
pas, la France conserve la Corse . C’est le principe
du gage. Le traité est subtile, en effet, la France, selon
ce traité qui mit fin à la guerre de Sept ans n’a pas
le droit d’annexer de nouveau territoires. Donc le
Royaume de Corse existerait encore après la prise de
contrôle mais ne serait pas « annexer » en droit.
Dans les faits la France exerce sa puissance administrative
et militaire sur le territoire…
Le regard de Voltaire
Voltaire évoque dans son « Précis du siècle de Louis
XV » ces événements. S’il justifie la conquête,
il s’interrogera cependant sur un point
capital :
« Il restait a savoir si les hommes ont le droit de
vendre d’autres hommes ; mais c’est une
question que l’on n’examinera jamais dans aucun
traité. »
Le même Voltaire écrira dans une lettre à Marie Louise
Denis que « Toute l’Europe est Corse », et
décris ainsi le climat de sympathie qui règne à ce moment
là pour la Corse.
Le
déclenchement des hostilités
Une cunsulta réunit à Corté dénonce le traité, et Paoli
prépare une guerre difficile, la France disposant de la
meilleure armée d’Europe. Il espère l’aide
d’autres puissances européennes. Mais aucun
n’est prête a rentrer en guerre contre la France pour
sauver cet espace constitutionnel unique,
l’Angleterre y compris malgré l’activisme de
Boswell.
Les Corses eux mêmes sont très divisées. L’idée
d’une nation corse unie pour sauvez la patrie contre
la Nation française est une idée simpliste et fausse. Plus
que la puissance militaire française, la vraie menace est
dans la division.
Au corps expéditionnaire français s’ajoute deux
divisions de volontaires corses commandés par Mathieu
Buttafuoco. Aussi les défections s’accumulent dans
les rangs de Paoli. La Casinca et le Nebio ont été livré à
la France par des Corses…
L’or a permis de rallier plusieurs chefs hésitants et
la France, grand pays Catholique bénéficiait d’un a
priori favorable.
Le Corps expéditionnaire français était composé de 20000
hommes entraînés disposant d’une logistique complète
et performante.
En Octobre 1768, les Corses remportent pourtant une
victoire à Borgu au sud de Bastia.
La guerre apparaît comme plus difficile que prévue pour le
corps expéditionnaire.
La rencontre décisive est fixée à Ponte Novu.
Paoli a réuni plusieurs milliers d’hommes afin de
barrer la route des français avant Corté. La plupart sont
des bergers, et malgré l’embryon d’armée
Nationale, le déséquilibre des forces est important. Paoli
a aussi recruté des mercenaires prussiens afin de garder le
Pont
1er-9
Mai 1769, Ponte Novu
Si les
Corses rencontrent quelques succès d’estime, la
bataille se terminera par une défaite. Cette défaite marque
la fin de l’indépendance de la Corse. Les pertes
Corses furent élevées et s’élevèrent à 4500. Surtout,
cette bataille représente plus qu’une guerre entre
deux Nations. Ce jour là, ce sont affrontés la Liberté
représenté par la Constitution démocratique et la monarchie
absolue de droit divin. C’est une bataille chargée de
symbole comme le fut la bataille de Gettysburg entre les
« nordistes » opposés à l’esclavage et les
« sudistes » qui était pour. Ponte Novu
n’appartient pas qu’aux Corses, elle appartient
à l’histoire universelle de la Liberté.
Voltaire écrivit admiratif :
« Le courage des Corses fut si grand que vers une
rivière nommée Golo, il se firent un rempart de leurs morts
pour avoir le temps de charger derrière eux ; leurs
blessés se mêlèrent parmi les morts pour affermir le
rempart. On ne voit de telles actions que chez les peuples
libres ».
Pascal Paoli part en exil le 14 juillet 1769, il embarque
pour Naples à partir de Porto Vecchio avec une poignée de
fidèle. Sa destination finale : Londres.
Les notables avaient trahi alors que le peuple était resté
fidèle à Paoli et à son idéal. Même s’il faut
toujours nuancer ce type d’affirmation, elle décrit
bien la situation politique et sociale de l’époque.
Paoli lui-même attribuera plus les causes de la défaite à
cette division qu’a l’avantage technique de
l’armée française.
Il écrivit avant de partir en exil :
« Nos malheureux concitoyens, trompés par quelques
chefs corrompus, sont allés eux mêmes au devant des fers
qui les accablent ». Parle-t’on d’hier ou
d’aujourd’hui ?
SECONDE
PARTIE : 1769-1789 la seconde vie de Pasquale Paoli
Paoli
est accueilli à Naples en héros. Partout ou il passe en
Europe c’est l’événement. Il est ainsi reçu par
l’Empereur d’Autriche Joseph II, il visitera
aussi Goethe. Oui à ce moment-là, « toute
l’Europe est Corse ».
Arrivé en Angleterre, le Roi Georges III le prend sous sa
protection, lui attribut une résidence ainsi qu’une
rente confortable. Il habite Old Bond Street.
L’Angleterre tiens ici une chance unique
d’accabler sa rivale, la France.
Le Tout Londres souhaite le rencontrer. Paoli est jeune, il
n’a que 44 ans, pour lui c’est bien une seconde
vie qui commence.
Paoli, le « Tout Londres » et la
Franc-maçonnerie.
Grâce à
son ami Boswell mais aussi grâce à Johnson et Sir Joshua
Reynolds, il est introduit au prestigieux Literary Club
ainsi qu’au près de la Royal Society Of Finest Art.
Aussi Paoli fut initié à la Franc-maçonnerie par le médecin
de la Reine, Sir John Pringle. Il avait désormais ses
entrées au Freemason’Hall. Son initiation remonte à
1778 et fut introduit à la loge des « Neufs
muses » de la Grande loge unie d’Angleterre.
Paoli et Maria Cosway
Maria
Cosway est une anglo-italienne, épouse du peintre Richard
Cosway qui peigna un portrait de Paoli.
La différence d’age entre le Général Corse et Maria
sont importants. Mais cette rencontre forgea une forme
d’amour platonique. Tous deux entretinrent une
correspondance soutenue, et se voient régulièrement. Cette
relation est différente que celle qu’entretiendra
Maria Cosway et Thomas Jefferson qui sera elle beaucoup
plus passionnelle.
Maria Cosway appela l’une de ses filles
« Paolina » et intégra la tête de maure, symbole
de la Corse, dans les armes de sa famille.
Elle fut la seule femme de sa vie, lui qui ne se maria pas
et qui n’eut pas d’enfant.
Paoli
et la révolution Américaine
Le 4
juillet 1776 les Colonnies d’Amérique proclament leur
indépendance. Les motifs de cette révolution se trouvent
êtres très proches de ceux que furent les motifs Corses au
moment de leur révolution contre Gênes.
Les gazettes américaines suivaient passionnément ce
qu’il se passait en Corse, pour eux Paoli est un
héros. Si l’histoire l’a oubliée, la réalité
des faits est indiscutable. Aujourd’hui 5 villes aux
Etats-Unis portent le nom de « Paoli City » et le
Général Washington citait régulièrement l’exemple
Corse.
Bien entendu les Corses, Paoli n’ont pas inspiré
directement cette révolution inévitable mais une forme de
lien culturel et intellectuel existe. A la différence que
si la révolution corse se termina sur un échec, d’ou
son oubli, la Révolution des Américains sera un succès et
demeurera dans l’Histoire.
Les révolutionnaires attendent beaucoup de leur Model
Pascal Paoli, mais ils seront très vite déçus. En effet
Paoli, alors pris en charge par la couronne Britannique,
espérant l’aide du Roi afin de libérer la Corse, ne
souhaite pas prendre une position qui fâcherait ce dernier.
TROISIÈME PARTIE :
Paoli et la Révolution Française, 1789-1793.
Les
décrets du 30 Novembre 1789
Au cour
de la séance du 30 Novembre, le secrétaire Volney fait
lecture d’une lettre de la municipalité de Bastia
concernant l’inquiétude des Corse sur leur sort dont
ils ne savent s’ils seront rendus à Gêne, maintenus
sous gouvernement militaire ou intégré définitivement à la
France.
Le député Corse Salicetti fait demande à l’Assemblée
que soit rendu un décret intégrant la Corse à la France.
Ainsi il est décrété :
« L’île de Corse est déclarée partie de
l’Empire français ; ses habitants seront régis
par la même Constitution que tous les autres français, et
dès ce moment le Roi est supplié d’y faire parvenir
tous les décrets de l’Assemblée Nationale. »
Ainsi la chose est entendue, ce décret marque le début
« officiel » de la Corse française.
A ce vote répond un Mémoire de protestation de la
République de Gênes. En effet, pour la sérénissime
république, le traité de Versaille de 1768 a été violé.
Mais l’Assemblée fera fi de cette demande et
maintiendra sa décision au grand soulagement des Corses et
de Paoli qui craignait vivement un retour de Gêne.
Un autre décret est pris dans la foulée du premier :
« L’Assemblée Nationale décrête que ceux des
Corses qui, après avoir combattu pour leur liberté, se sont
expatriés, par l’effet et la suite de la conquête de
l’île, et qui cependant ne sont coupable
d’aucun délit légaux auront dès ce moment la faculté
de rentrer dans leur pays pour y exercer tous les droits de
citoyen français, et que le Roi sera supplié de donner,
sans délais, tous les ordres nécessaires pour cet
objet ».
Paoli peut donc revenir en Corse ! Il adresse une
lettre à l’Assemblée Constituante datée du 11
décembre 1789.
« …En admettant la Corse à la parfaite
jouissance de tous les avantages qui résultent de
l’heureuse constitution qu’elle vient
d’établir, elle a enfin trouvé le moyen le plus
infaillible de s’assurer à jamais l’attachement
et la fidélité de ses habitants…En accordant à mes
compagnons expatriés de pouvoir rentrer chez eux, et jouir
de tous les privilèges de citoyens français, pendant
qu’elle fait éclater sa justice et sa générosité,
elle attache à sa nouvelle constitution un nombre infini
d’individus qui la défendront jusqu'à verser la
dernière goute de leur sang…
La lune de miel entre l’île et le Continent est
indéniable. Paoli est reçu en héros par les
révolutionnaires.
Paoli et les révolutionnaires Français.
Le trois
avril 1790, Paoli arrive sur Paris et rencontre plusieurs
délégations venues de Corse.
Le 8 avril il est présenté au roi Louis XVI par La Fayette.
Surtout, le 22 avril une délégation de député Corse est
reçue a l’Assemblée Nationale, le jour est mémorable,
Paoli s’adresse aux députés et sera longuement
applaudis.
« Messieurs, ce jour est le plus heureux et le plus
beau de ma vie. Je l’ai passé à rechercher la liberté
et j’en vois ici le plus noble spectacle. J’ai
quitté ma patrie asservie, je la retrouve libre, je
n’ai plus rien à désirer ».
Comme il semble désormais loin, le temps de Ponte
Novu…
Avant de quitter Paris il est reçu à la Société des amis de
la Constitution de Robespierre. Il s’embarque pour la
Corse depuis Toulon le 14 juillet 1790.
Le 9 septembre, une assemblée du couvent d’Orezza lui
confit la présidence du Conseil général et le commandement
de la garde nationale.
Paoli n’a pas que des amis, ses ennemis commencent a
propager la rumeur qu’il souhaite donner l’ile
à l’Angleterre. Le député Salicetti s’indigne
devant l’Assemblée et défend Paoli.
Mais Buttafuoco, lui aussi député Corse critique deux mois
plus tard la gestion administrative de Paoli. Salicetti
défend Paoli une fois de plus.
En 1791 le jeune Bonaparte écrit une lettre a Buttafuoco
afin de défendre et de soutenir Paoli.
L’île connaît des mouvements contre-révolutionnaires
et Paoli tente d’y maintenir l’ordre. Il se
méfit de l’emballement révolutionnaire symbolisé par
la création de Clubs. Son action est saluée par
l’Assemblée. Ces troublent illustrent surtout les
profondes divisions de la société corses.
Le 21 septembre 1792 la République est proclamée.
La rupture entre Paoli et la Révolution.
L’expédition
de Sardaigne
La
Convention ordonne a Paoli de préparer une invasion de la
Sardaigne. Napoléon Bonaparte y participe en tant que Sous
lieutenant. Mais l’expédition fut un échec lamentable
à cause de l’indiscipline d’hommes de troupe
venus de Toulon.
L’échec fut imputé à Paoli.
La rupture idéologique
Loin
d’avoir apporté la paix et la liberté à la Corse
comme il l’espérait, la révolution sous
l’impulsion des Jacobins prend une tournure qui
conduisent à la rupture entre Paoli et Paris. L’île
se trouve très divisée, quasiment au bord de la guerre
civile.
Paoli est un pragmatique et un empirique. Sous
l’impulsion des Jacobins, la révolution tourne à la
terreur. Paoli qui avait souscrit sans réserve à
l’esprit de 1789 s’inquiete de ces dérives
criminelles qui l’horrifient. Il souhaite désormais
protéger la Corse de la Terreur qui rappelons le ; tua
environ 300000 personnes, dont la plupart étaient loin
d’être des ennemis de la République.
La mort du Roi fut aussi très mal ressentie par Paoli .
Enfin, Paoli doit faire face avec la Convention a une
puissante force centralisatrice initié par les Jacobins,
lui qui espérait une république plus
« régionale ».
Paoli, « Traitre à la République »
Les
Corses défavorables à Paoli réussissent à Convaincre la
Convention que Paoli doit être mit hors la loi. Parmi les
accusateurs on retrouve la famille Bonaparte, de cet
épisode dâte la rupture entre Paolistes et la future
famille Impériale. Les Bonapartes sont chassés de Corse et
se réfugient sur le Continent.
L’appel aux Anglais et la rupture avec la France
Le 25
Août 1793, Pascal Paoli écrit à l’amiral Hood afin
d’implorer la protection de la Grande-Bretagne. En
effet, la Corse ne peut résister seule à la Convention.
Sans attendre la conclusion d’un accord, les anglais
interviennent. Les preuves existent d’une union entre
troupes britanniques et troupes Corses.
Le 4 janvier 1794 Paoli écrit :
« Milord ;
…J’assure encore votre Seigneurie que
c’est mon souhait et le désir de mon peuple de nous
mettre sous le gouvernement et la protection de Sa Majesté
britannique et de sa Nation… »
Le 16 janvier 1794, Sir Gilbert Elliot rencontre Pascal
Paoli, et ensemble ils s‘accordent sur le futur
régime Constitutionnel du Royaume Anglo-Corse
Le 21 avril , Hood et Elliot écrivent à Paoli :
« Il apparaît que les Corses désirent nouer une union
perpétuelle avec la nation britannique. (…) On doit
d’abord s’assurer du consentement libre et
général du peuple corse. La victoire sur l’ennemi
étant maintenant certaine, il faut donner à l’union
une consécration formelle. »
Le 9 mai 1794, le Conseil général du gouvernement provisoir
de la Corse publie le procès verbal d’organisation
des élections.
Le 25 mai 1794 les élections se tiennent dans toute
l’île et l’Assemblée du Peuple Corse se réunit
à Corté le 10 juin 1794.
Entre temps, les Anglais avaient pris Saint Florent le 17
février 1794 et le 21 mai Bastia.
C’est a Calvi que s’illustre Nelson le 20
juillet 1794.
Ce
jour-là est proclamé solennellement la séparation de
l’île avec la France. Les motifs sont exposés dans la
déclaration.
Ainsi il est rappelé que les Corses avait adhéré totalement
à la Révolution de 1789.
Mais que la tournure des événements du fait de la prise de
pouvoir des Jacobins qui selon eux trahirent l’esprit
Révolutionnaire de 1789 par une nouvelle Tyrannie
justifiait la séparation de l’île de la France. La
Corse ne fut pas la seule région à cette époque à rentrer
en rébellion contre le pouvoir central. Il ne s’agit
pas d’une action contre-révolutionnaire mais une
réaction à un certain type de Révolution auquel ils
n’adhèrent plus pour la plupart.
C’est à l’unanimité qu’est approuvé le 19
juin 1794 la nouvelle Constitution établissant le Royaume
Anglo-Corse.
.
QUATRIÈME PARTIE : Le Royaume Anglo-Corse ;
1794-1796
La
Constitution du Royaume prévoit que le Roi Georges III est
le souverains mais que la Corse fait figure de « Etat
associé ».
L’exécutif est composé d’un « vice
Roi » et d’un Conseil d’Etat. Le veto sur
les actes législatifs est possible.
Le législatif est incarné par un Parlement, élu au suffrage
censitaire avec une limite d’age de 25 ans. Sur ce
plan, la Constitution de 1755 apparaissait comme plus
démocratique, l’accès à la Diet général était plus
universelle.
Aussi les emplois reviennent qu’aux seuls Corses,
ainsi qu’ils le réclamaient dès 1789.
Enfin la Constitution apparaît comme très moderne sur le
plan des libertés fondamentales puisqu’elle reconnaît
la liberté de la presse, la liberté religieuse, et le droit
de pétition. La règle de l’habeas corpus est
instituée dans l’île.
Quant à Paoli institué « Père de la Patrie », il
ne dispose d’aucun poste. Il espérait être le Vice
Roi, sans doute ce situe ici une erreur grave de la part
des Anglais qui compromettait sans doute dès
l’origine l’avenir du Royaume Anglo-Corse.
Aussi les postes clefs sont essentiellement occupés par des
Anglais.
Paoli est accusé par Elliot de conspiration alors
qu’il n’est qu’un vieille homme diminué.
Les troubles se multiplient. Il est demandé à Paoli de
retourner en Angleterre car selon le Roi, sa présence
perturbe le fonctionnement des institutions du Royaume.
« Au point ou en sont les choses, son séjour en Corse
est incompatible avec le maintien du gouvernement
Anglais ».
Paoli, faisant encore passé le bien de la Patrie devant le
sien, accepte à contre cœur. Il s’agit de son
dernier exile, il ne reverra plus jamais la Corse jusqu'à
son décès. Il quitte la Corse le 14 octobre dans
l’indifférence générale. Ainsi que l’écrit
Antoine Marie Grazianni, cet exil ne ressemble pas à
l’autre d’autant plus que Boswell est mort en
1795.
Les anglais quittent la Corse en 1796, delà la France
revient sous la conduite de Bonaparte.
Le Royaume Anglo-Corse n’aura vécu que deux années,
sans doute aujourd’hui les habitants de
l’Angleterre ignorent tout de cette union tant il
manque un ouvrage écrit dans leur langue susceptible de
leur raconter cette période de leur histoire.
CINQUIÈME
PARTIE : La fin d’une vie de roman, 1795-1807
Paoli
est malade, il souffre de calculs à la vessie et sa vue a
grandement diminué. Pourtant son esprit est plus préoccupés
par ses petits-neveux, ses neveux, ainsi que ses amis.
Après l’échec du Royaume Anglo-Corse, Paoli ne
souhaite qu’une chose, la Paix pour les corses et
regarde d’un mauvais œil les tentatives de
rébellion car il sait qu’elles seront sévèrement
réprimées. Ainsi il écrit une lettre allant dans ce sens à
Nobili-Savelli.
Le premier Avril 1800 il condamne toute tentative qui
consisterait a donner la Corse aux moscovites ou aux
Bourbons.
Le 4 septembre 1801, il écrit une nouvelle lettre dans
laquelle il dit attendre la paix qui permettra de fixer
définitivement le sort de la « Patrie ».
L’ascencion de Bonaparte l’interpelle, il y
voit la preuve que les Corses peuvent réussir aussi bien
que les autres. A ce moment-là il espère une modération du
gouvernement français dans le répression et que la Corse
vive libre dans la souveraineté française.
Il a toujours espéré la liberté pour la Patrie, ainsi peu
importe « la main qui lui a donné », seul le
résultat compte. Il considère le sort de la Corse comme
meilleurs que celui d’autres patries européennes. Au
vu du contexte et au vu des luttes passés, son analyse est
tout à fait cohérente et compréhensible. Paoli était un
pragmatique et un empirique, d’autant plus
qu’il ne confondait pas la liberté et
l’indépendance.
Il écrit :
« louons le ciel ect…Lberté et bonnes
lois : cela notre pays l’a obtenu en commun avec
la France grâce à l’un de nos compatriotes. Dans le
systême présent de politique européenne nous
n’aurions pu jouir de ce bien en formant un Etat
Indépendant ».
Le 6 septembre 1802 il écrit :
« …Ils sont libres et dans des conditions
égales a celle des français. La liberté fut l’objet
de nos révolutions ; celle ci aujourd’hui se
plait dans notre île, qu’importe de quelle main elle
nous est parvenue ? Mais nous avons la bonne fortune
de l’avoir obtenue par un de nos compatriotes qui
avec honneur et Gloire a vengé la Patrie des injures que
presque toutes les nations lui avaient faîtes. Et a présent
le mot corse n’est plus déprecié… »
Malheureusement Napoléon se montrera un enfant bien
infidèle de son île en y favorisant plus une logique
« colonniale » et répressive à une logique
d’intégration démocratique.
Le 21 décembre 1802 Paoli écrit :
« Les Corses sont libres ? C’était ma
volonté ! Je fermerais les yeux au grand sommeil
content et sans remords sur ma conduite politique.
Dieu me pardonnera le reste… »
Paoli s’inquiète aussi de l’éducation de ses
neveux. Il souhaite pour eux une éducation qui puisse leur
donner toutes chances dans la nouvelle donne que représente
la Corse française.
« Nous sommes unis à cette Nation, il faut se
conformer à sa langue, à ses mœurs et habitudes si
l’on veut faire quelques progrès dans le
monde . »
Pasquale Paoli meurt le 5 février 1807 à Londres à
l’âge de 82 ans. Il est enterré, selon sa volonté,
dans le cimetière de Saint Pancras.
Un buste sculpté par Flaxman, considéré comme le plus grand
de son époque, ainsi qu’une plaque résumant la vie du
grand homme sont installés à Westminster, lieu de
couronnement de tous les souverains Britanniques.
Contrairement à ce que l’on peut lire ici ou là,
Paoli n’est absolument pas enterré dans la crypte de
Westminster, ses cendres reposent depuis 1889 dans la
chapelle familiale de sa maison natale à Morosaglia.
Le souvenir de Paoli ne quitta jamais les Corses et il est
rare de constater un tel amour pour un dirigeant plus de
deux siècles après sa mort.