Ouvrages
ayant servis à la création de cette Biographie :
« Pasquale de’Paoli » de Goerges Oberti
« Pascal Paoli », Antoine Marie Graziani,
Tallandier (2004).
« Un compte rendu de la Corse et Mémoires de Pascal
Paoli », James Boswell
Pasquale Paoli est né au hameau de la Stretta –
commune de Morosaglia, le 5 avril 1725 de Giancintu Paoli
et de Denise Valentini.
Sa date
de naissance est confirmée par Paoli lui-même dans une de
ses lettres datée du 20 avril 1805 où il écrit « bien
que je sois entré, le 5 de ce mois, dans ma
78e
année,
je forme encore des projets ». Il fut baptisé le 7
avril et reçut les prénoms de Philippe, Antoine, Pascal.
Son enfance se passe au milieu des révoltes. Il a 4 ans et
demi lorsque le premier soulèvement éclate dans le Boziu
« la révolte des deux seini ». Il entendit parler
de la fuite des soldats génois, de la réunion d’une
Consulte Nationale à San Pancraziu, de la nomination comme
chefs de la nation d’Andréa Colonna-Ceccaldi, de
Luigi Giaffieri et de l’abbé Raffaelli.
Son
père, Giacinto Paoli qui fut l’un des trois grands
meneurs de la révolte contre Gêne est contraint à
l’exil. Il s’embarque pour Naples le 7 juillet
1739 avec son fils Pascal alors âgé de 14 ans. Son frère
aîné, Clemente, reste dans le Rostino dans le but d’y
gérer le patrimoine familial.
Sa
formation professionnelle
À
16 ans, Pasquale s’engage au sein de l’armée
napolitaine au grade de cadet, il est intégré au régiment
de son père. Durant un an, entre 1742 et 1743, il servira à
Gaete avant de retourner a Naples. Il rentre alors au sein
de l’Académie militaire royale d’artillerie. Un
an avant son retour en Corse, il sert au sein du Royal
Farnese à Syracuse et à l’île d’Elbe.
Sa
carrière militaire à Naples sera brève, car Paoli appelé en
1755 par son frère Clemente dans le but de conduire la
révolution corse, décide de démissionner.
Sa formation intellectuelle :
Le XVIIIe siècle est le siècle des lumières. C’est en
1748 que Montesquieu expose sa théorie sur la séparation
des pouvoirs dont l’objectif et de prévenir
l’arbitraire de la part du « Prince ». Les
idées nouvelles abondent et le jeune Paoli alors étudiant à
Naples les intègrera.
En
premier lieu, Pascal Paoli reçoit l’influence du
philosophe Genovesi (1713-1769).
Le roi Charles VII désireux de réveiller l’université
de Naples avait fait appel à des maîtres réputés dont parmi
eux Antonio Genovesi. Ce dernier bénéficiait d’un
prestige au sein de l’Europe entière. Homme lettré,
il avait certainement lu la Cyclopedia de Chamber parue à
Londres selon Georges Oberti. Entre autres il fut
l’auteur en 1752 d’une Histoire du commerce de
la Grande Bretagne. Genovesi est professeur d’éthique
à l’université de Naples.
Il reste à déterminer qu’elle a été la réelle
influence de Genovesi sur Pasquale Paoli ?
L’historien Corse Fernand Ettori a publié un article
à ce sujet en 1974. Pour l’auteur, l’influence
est difficile a mesurer.Il rejette aussi deux thèses
qu’il juge abrupte. La première serait que Paoli ne
lui doit rien, la seconde est qu’il lui doit tout.
Selon les thermes mêmes du professeur Ettori,,
l’affirmation de sources reste imprudente et il
convient mieux alors, de rechercher des traces d’une
influence générale.
Ainsi, M.Ettori est frappé par l’ouverture
d’esprit de Pasquale Paoli. Il retient en exemple son
attitude face à la religion. Arrivé à l’âge adulte il
abandonne nombres de pratiques qu’il juge étroite et
s’intéresse aux hérétiques au travers du livre
l’Apologie pour les Quakers, de Robert Barclay.
Un
« disciple » de Machiavel ?
Toujours
au sein de cette article, Fernand Ettori s’interroge
sur l’influence de la pensée de Machiavel sur
Pasquale Paoli.
Les adversaires les plus farouches de Paoli ont longtemps
défendu la thèse que le futur Général a entièrement bâti sa
philosophie de gouvernement sur les préceptes du secrétaire
Florentin.
Tout
cela reste à relativiser. Au moyen de sa correspondance,
nous savons que Paoli fut un lecteur et disciple de
Machiavel. Mais l’influence de l’auteur
s’est exercée à différents niveaux.
Au moment de la prise de pouvoir en 1755, il est certain
que Paoli s’est servi des principes Machiavélien dans
le but d’affaiblir les résistances locales et y créer
des partis Paolistes. En effet à ces débuts, le
gouvernement du jeune Royaume de Corse ne fait pas
l’unanimité et il convient de parvenir à
l’unité de la jeune Nation.
« Faire d’une colonie en révolte un Etat
souverain reconnnu par les puissances, forger à
l’intérieur les ressorts du pouvoir, déjouer les
convoitises à l’extérieur, et cela au milieu des
factions et des guerres, c’était bien là
l’occasion pour un principe nuovo de démontrer sa
virtu. »
Fernand Ettorri en vient à cette conclusion :
« Quel meilleur maître que Machiavel qui adresse
précisément ses conseils, à un souverain au pouvoir récent
et mal assis, à ce principe nuovo qu’était Paoli lui
même ?
PREMIERE PARTIE : « Toute l’Europe est
Corse », (Voltaire)
A
cette date, les chefs corses en lutte contre la République
de Gêne, réfléchissent à la nomination d’un Capu
Generale di a Nazione (Général en chêf de la Nation)
susceptible d’assumer le défi impossible que
représente la fin de la colonisation génoise.
D’abord pressentit, le frère de Pasquale Paoli, se
désiste estimant que son frère possède de meilleures
compétences que les siennes pour assumer la fonction.
A l’age de 30 ans, Pasquale Paoli quitte Naples et le
régiment du Royal Farnese afin de relever le défi. Sa
nomination reste à être acquise par la Cunsulta generale
qui doit se tenir au couvent de San’Antone della
Casabianca.
La
cunsulta de San’Antone della Casabianca, les 13-14
juillet 1755
Paoli se présente contre Emmanuel Matra. Si le premier est
élu contre le second, cette défaite nourrira la
rancœur de Matra qui ne cessera de vouloir la fin de
Paoli, plongeant la Corse dans une véritable guerre civile
entre Paolistes et Matristes.
La Constitution de Pasquale Paoli
« Notre
administration se doit d’être aussi claire que du
cristal, chaque zone d’ombre favorisant
l’arbitraire ainsi que la méfiance du Peuple ».
Le jeune
général, ayant été aux contacts des idées nouvelles du
18ème
siècle,
fin lecteur de Montesquieu désire de forger pour le jeune
Etat, une Constitution.
Loin
d’être un simple texte distribuant le pouvoir, la
Constitution de Paoli est la première Constitution moderne
établissant la souveraineté du Peuple et une séparation des
pouvoirs. En effet, le législatif et l’exécutif
seront distincts, seule la justice demeure dans les mains
du Général. Aussi l'assemblée représentant le peuple est
élue et directement sur une base de suffrage très large.
« La
Diete générale, représentant le Peuple Corse, seul maître
de lui même, convoquée par les formes légales par le
général dans la ville de Corté, les 16, 17, 18
Novembre : voulant, après avoir reconquis sa liberté,
donner une forme durable et constante à son gouvernement en
le constituant de telle façon qu’il en dérive le
bonheur de la
Nation … »
Le
préambule du texte affirme la souveraineté du Peuple alors
que l’Europe est gouvernée par des monarchies
absolues de droit divin. Les mots « seul maître de lui
même » symbolisent l’aspect précurseur du texte.
C’est sur ce point précis que se trouve le génie de
Paoli qui écrit la première constitution démocratique
moderne qui sera citée en exemple par les
« Insurgent » américains. Les fils de la Liberté
de Philadelphie donneront à leur taverne le nom de "Paoli
tavern", ensuite sera créée Paoli City en Pensylvannie.
« Il est encore en Europe un pays capable de
législation, c’est l’île de Corse. La valeur et
la constance avec laquelle ce brave Peuple a su recouvrer
et défendre sa liberté mériteraient bien que quelques
hommes sages lui appris à la conserver. J’ai quelque
pressentiment qu’un jour, cette petite île étonnera
l’Europe . »
JJ Rousseau, Le Contrat Social, Livre II, Ch X, 1762.
La Corse est un royaume non une république car la vierge
Marie en est la reine et la protectrice.
*L’exécutif est composé d’un Conseil
d’Etat dirigé par le Général en chef de la Nation,
qui exerce le pouvoir gouvernemental. Il dispose de
l’armée ainsi que de la justice. Ainsi, il ne faut
pas juger la Constitution sur nos standards actuels, ce qui
nous ferait dire que Paoli était un despote éclairé, mais
sur les standards de l’époque.
Ce Conseil d'Etat est composé de 144 membres dont 36
Présidents et 108 Conseillers. Ces magistrats sont élus et
se répartissent en trois chambres, finances, guerres et
justice.
*L'assemblée représentant le Peuple est la Diète, élue
directement par le peuple.
Toute personne âgée de 26 ans peut voter à l’élection
de la Diet générale, assemblée représentant le peuple. Les
femmes aussi ont le droit de vote selon des cas
particuliers.
Sa compétence concerne les lois, les impôts et les affaires
politiques.
Tout fonctionnaire, y compris le Général (Paoli) est
responsable devant l'assemblée.
La Diète est convoquée une fois par an. Le Général présente
le bilan de son gouvernement et un panel de magistrat est
chargé d'évaluer l'action publique.
* Le reste du texte codifie des dispositions pénales.
Les
principales mesures :
Si la Constitution représente le coup de génie de Paoli,
elle n’est pas le seul accomplissement du Général,
car tout, à ce moment-là est à faire, d’une colonie
il s’agit de faire une Nation.
Une volonté de rétablir la justice :
Si la
gestion des terres est de nature publique (Terra di
Cummune), la justice est quant à elle privée, codifiée par
une séries de coutumes. C’est que l’on appelle
la vendetta. Ce phénomène est de plus gravement favorisé
par le fait que Gêne ayant autorisé le port d’arme
afin de permettre à la population de se défendre. Le nombre
de meurtre est de 900 chaque années, mais il convient de
prendre ce chiffre avec des pincettes car Gênes avait
intérêt à le gonfler afin de justifier sa présence en tant
que force de maintient de l’ordre.
La Vendetta est un poison que Paoli souhaite éradiquer, car
l’Etat Corse en construction ne peut se permettre se
voir fragilisée par ces luttes meurtrières, et surtout sans
fins car il y a toujours quelqu’un à venger.
La justice de Paoli sera très sévère, toute personne
s’étant livrée à la vendetta sera condamnée à mort.
Cette politique fortement répressive portera ces fruits.
Nous laissons ici de côté toute forme de jugement morale
toujours facile à proférer en dehors d’un contexte.
Il refusera d’ailleurs de gracier le fils d’une
personne influente, afin de garantir la crédibilité de sa
politique.
Dans le même temps, il souhaite éviter l’arbitraire
des tribunaux, ce qui est très moderne pour l’époque.
C’est le principe de légalité des peines.
Veut-on qu’il n’y est point d’arbitraire
dans les jugements des tribunaux ? Que la loi soit
claire et le crime nettement défini. La réaction contre
l’arbitraire est une seconde nature chez les corses.
(Circulaire aux magistrats provinciaux).
La
reconnaissance de la Nation :
-Peintures des chefs morts dans la salle du conseil à Corté
-Exonération fiscale pour dix ans des héritiers des soldats
morts pour la Patrie
-Nouvelle version de la « Bandera » avec le
bandeau de la tête maure relevée sur le front.
La
marine de guerre :
La volonté de Pasquale Paoli de construire une marine,
répond a plusieurs objectifs dont les principaux sont de
perturber le commerce la République de Gênes, ainsi que
d’obtenir une forme de reconnaissance internationale
par la reconnaissance du Pavillon.
C’est la Consulte du 10 mai 1760 qui décida de porter
la lutte en mer. La Corse connaît d’importantes
ressources en bois, mais l’entreprise est difficile.
En 1761, la flotte compte quatre bâtiments, nombre qui sera
étendu à sept par la suite. Ce sont des bâtiments légers,
commandés par des marins de qualités. Même ne faisant pas
le poids face aux navires Gênois, la flotte remplie sont
objectif de perturbation du commerce de la Sérénissime
République.
Enfin,
malgré la faiblesse des moyens, la prise de l’île de
Capraia donnera un avantage stratégique aux corses.
Mesures
financières et économiques :
-14 mai
1761 ; 24 et 25 novembre 1762 : création
d’une monnaie.
Celle ci est frappée à La Zecca, l’Hotel Corse des
monnaies à Murato et sera ensuite transféré à Corté.
-14 mai 1761 : Création du papier timbré
-Consulte de mai 1764 sur la surveillance du commerce dans
ses prix et la qualité des marchandises
-Les poids et les mesures sont uniformisés en mai 1764
La
fondation de l’Ile Rousse :
Calvi la
gênoise devait être contrebalancé par un port maîtrisé par
le gouvernement de Paoli. La ville de L’île Rousse
rempliera ce rôle est sera créé par Paoli en 1763. Ville
modeste, son importance stratégique est considérable pour
le commerce.
L’université :
« Sapere Aude » ou « Ose le Savoir »
tel était la devise des Lumières convaincus que la liberté
de l’individu se forgeait par la connaissance. Paoli,
homme des lumières, s’inscrit dans cette philosophie
et crée une Université à Corté afin que cette dernière
forma des cadres pour la Nation.
Son principe est acquis en mai 1764, en novembre 1764, le
programme des études est publié.
Fermée en 1769, puis rouverte en 1981, l’Université
porte aujourd’hui le nom de Pasquale Paoli
(www.univ-corse.fr),
atteint l’âge de la maturité, et compte environ 4000
étudiants.
Pascal Paoli et Jean-Jacques Rousseau
La
participation du Peuple au affaires publics de l’Etat
qu’organise la « Constitution » de Paoli
étonne et impressionne JJ Rousseau qui voit dans cette
entreprise inédite un exemple.
Par l’intermédiaire de Buttafuocco, Rousseau écrivit
un projet de Constitution pour la Corse. Mais Paoli écarta
l’idée. Il avait mis en place des institutions qui
fonctionnaient depuis près de 10 ans et il avait peur
qu’un non-corse ne saisisse qu’insuffisamment
les subtilités de la culture insulaire.
En revanche, la renommée de Rousseau, associée à son
intérêt pour la Corse, pouvait servir utilement la cause du
Général.
Enfin, c’est JJ Rousseau qui conseilla au jeune
Ecossais James Boswell d’effectuer un voyage en Corse
et y rencontrer ce chef des Corses encore mal connu.
« Un compte rendu de la Corse, et Mémoires de Pascal
Paoli », James Boswell.
« Je
crus trouver en Corse, écrit-il, ce que personne
n’allait voir, et ce que je ne trouverais en aucun
autre endroit au monde ; un peuple combattant
actuellement pour sa liberté, et s’élevant par ses
propres forces d’un état de bassesse et
d’oppression à celui du bien-être et de
l’indépendance ».
James
Boswell est écossais. Issu de la noblesse de robe, son
désir est cependant de devenir écrivain.
Il était
de coutume à l’époque que les jeunes hommes
s’en allèrent en voyage sur le continent afin de
parfaire leur formation. Sur les conseils de JJ Rousseau,
il décide de se rendre en Corse. Porteur d’une lettre
de recommandation de ce dernier, il débarque à Centuri (Cap
Corse) le 12 Octobre 1765. Il est alors agé de 25 ans.
Il rencontre Paoli le 22 Octobre à Sollacaro. De cette
rencontre va naître une solide amitié entre les deux
hommes. Mais le premier contact est plutôt froid. Paoli se
sait menacé, il est donc méfiant. Mais après s’être
rendu compte de la qualité du jeune homme, il le reçoit
avec tous les égards. Boswell dînera toujours aux côtés de
Paoli, et sera accompagné d’une garde d’honneur
à chacune de ses sorties.
Ses conversations avec Paoli l’impressionnent. Il est
surpris par l’étendu de ses connaissances et son
érudition classique. Ce sont aussi les qualités morales de
Général qui l’impressionnent.
« Je
voyais en Paoli mes idées les plus grandes se réaliser,
écrit-il ; il m’était impossible, quelles que
fussent mes spéculations, d’avoir en le voyant une
idée médiocre de la nature humaine ».
Dans son enthousiasme, Boswell qualifie la Constitution du
Royaume « meilleur modèle qui ait jamais existé dans
la forme démocratique ».
Ainsi que l’analyse Dorothy Carrington, Paoli
poursuit à ce moment-là, deux buts. Le premier est de
populariser sa cause en Angleterre et peut être incité le
Roi à lui apporter son aide. Le second est de faire croire
aux Corses que cette aide est déjà acquise et ainsi les
galvaniser plus encore.
Dès son retour Boswell se lance dans une campagne énergique
de promotion de la cause Corse. Il voulut user de
l’influence de William Pitt afin que
l’Angleterre se déclarât en guerre contre la France
afin de sauver la Corse.
N’y parvenant point, il ouvrit cependant une
souscription qui permis l’envoie de cannons au moment
de l’invasion de l’intérieur de l’île par
la France.
Lorsque son livre paru juste avant le début des hostilités,
ce fut un vrai succès de librairie qui passionna les
lecteurs de l’époque. Le mythe de Paoli était forgé.
Devant cet enthousiasme populaire, les politiciens ne
restères pas indifférents, et il en fallut de peu pour que
l’Angleterre n’intervienne afin de sauver la
cause des Corses.
« Irresponsables comme nous le sommes, prononça le
ministre Lord Holland, nous ne pouvons êtres aussi
irresponsables que d’entrer en guerre parce que
Monsieur Boswell est allé en Corse ».
Le livre connu aussi un succès international, notamment
dans les colonies américaines ou l’expérience de
Paoli était suivit avec le plus grand intérêt.
La
République de Gêne aux abois
La Sérénissime République tient de plus en plus
difficilement sa position en Corse. La présence de Gêne est
alors surtout effective sur les côtes à des endroits
stratégiques tels que Calvi et Bastia.
De son coté, le Royaume de France a connu une série de
déconvenue dans ses colonies. La Corse représente une
position stratégique en méditerranée, notamment dans la
lutte d’influence contre le Royaume-Uni installé à
Gibraltar. De plus les ressources en bois de l’île
sont importantes, et ceci est vital pour la construction de
navires.
La France, venue en renfort à partir de 1764
s’installe vers Bastia, et demeure neutre. Elle
établit des relations diplomatiques avec le gouvernement de
Paoli. Chacun se jauge. Paoli et Choiseul entretiennent une
correspondance cordiale. Se voulant rassurant, Choiseul
affirme plusieurs fois que le France n’a pas
d’intention belliqueuse envers le Royaume de Corse.
Mais en 1768, par le Traité de Versailles, la Corse est
donnée en gage à la France par Gêne. Elle ne fut pas vendue
contrairement à l’idée généralement répandue. Si Gêne
rembourse sa dette, elle récupère la Corse, si elle ne paie
pas, la France conserve la Corse . C’est le principe
du gage. Le traité est subtile, en effet, la France, selon
ce traité qui mit fin à la guerre de Sept ans n’a pas
le droit d’annexer de nouveau territoires. Donc le
Royaume de Corse existerait encore après la prise de
contrôle mais ne serait pas « annexer » en droit.
Dans les faits la France exerce sa puissance administrative
et militaire sur le territoire…
Le regard de Voltaire
Voltaire évoque dans son « Précis du siècle de Louis
XV » ces événements. S’il justifie la conquête,
il s’interrogera cependant sur un point
capital :
« Il
restait a savoir si les hommes ont le droit de vendre
d’autres hommes ;
mais c’est une question que l’on
n’examinera jamais dans aucun
traité. »
Le même Voltaire écrira dans une lettre à Marie Louise
Denis que « Toute l’Europe est Corse », et
décris ainsi le climat de sympathie qui règne à ce moment
là pour la Corse.
Le
déclenchement des hostilités
Une cunsulta réunit à Corté dénonce le traité, et Paoli
prépare une guerre difficile, la France disposant de la
meilleure armée d’Europe. Il espère l’aide
d’autres puissances européennes. Mais aucun
n’est prête a rentrer en guerre contre la France pour
sauver cet espace constitutionnel unique,
l’Angleterre y compris malgré l’activisme de
Boswell.
Les Corses eux mêmes sont très divisées. L’idée
d’une Nation corse unie pour sauvez la patrie contre
la Nation française est une idée simpliste et fausse. Plus
que la puissance militaire française, la vraie menace est
dans la division.
Au corps expéditionnaire français s’ajoute deux
divisions de volontaires corses commandés par Mathieu
Buttafuoco. Aussi les défections s’accumulent dans
les rangs de Paoli. La Casinca et le Nebio ont été livré à
la France par des Corses…
L’or a permis de rallier plusieurs chefs hésitants et
la France, grand pays Catholique bénéficiait d’un a
priori favorable.
Le Corps expéditionnaire français était composé de 20000
hommes entraînés disposant d’une logistique complète
et performante.
En Octobre 1768, les Corses remportent pourtant une
victoire à Borgu au sud de Bastia.
La guerre apparaît comme plus difficile que prévue pour le
corps expéditionnaire.
La rencontre décisive est fixée à Ponte Novu. Il s'agit
d'un pont qui permet de traverser le fleuve Golu.
Paoli a réuni plusieurs milliers d’hommes afin de
barrer la route des français avant Corté. La plupart sont
des bergers, et malgré l’embryon d’armée
Nationale, le déséquilibre des forces est important. Paoli
a aussi recruté des mercenaires prussiens afin de garder le
pont.
1er-9
Mai 1769, Ponte Novu
Si les
Corses rencontrent quelques succès d’estime, la
bataille se terminera par une défaite. Celle ci marque la
fin de l’indépendance de la Corse. Les pertes Corses
furent élevées et s’élevèrent à 4500. Surtout, cette
bataille représente plus qu’une guerre entre deux
Nations. Ce jour là, ce sont affrontés la Liberté
représenté par la Constitution démocratique et la monarchie
absolue de droit divin. C’est une bataille chargée de
symbole comme le fut la bataille de Gettysburg entre les
« nordistes » opposés à l’esclavage et les
« sudistes » qui était pour. Ponte Novu
n’appartient pas qu’aux Corses, elle appartient
à l’histoire universelle de la Liberté.
Voltaire écrivit admiratif :
« L'arme
principal des Corses était leur courage. Ce courage fut si
grand que vers une rivière nommée Golo, il se firent un
rempart de leurs morts pour avoir le temps de charger
derrière eux ; leurs blessés se mêlèrent parmi les
morts pour affermir le rempart. On ne voit de telles
actions que chez les peuples libres ».
Pascal Paoli part en exil le 14 juillet 1769, il embarque
pour Naples à partir de Porto Vecchio avec une poignée de
fidèle. Sa destination finale : Londres.
Les notables avaient trahi alors que le peuple était resté
fidèle à Paoli et à son idéal. Même s’il faut
toujours nuancer ce type d’affirmation, elle décrit
bien la situation politique et sociale de l’époque.
Paoli lui-même attribuera plus les causes de la défaite à
cette division qu’a l’avantage technique de
l’armée française.
Il écrivit avant de partir en exil :
« Nos
malheureux concitoyens, trompés par quelques chefs
corrompus, sont allés eux mêmes au devant des fers qui les
accablent ».
Parle-t’on d’hier ou
d’aujourd’hui ?